Vague verte aux communales de 2018: après un an, quel bilan à Saint-Gilles, Uccle et Bruxelles-Ville?

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BX1 revient cette semaine sur les réalisations des trois majorités communales dont la composition a le plus changé en octobre 2018: Koekelberg, Ixelles et Molenbeek, mais aussi sur le premier bilan de l’arrivée d’Ecolo dans les collèges de Saint-Gilles, Uccle et Bruxelles-Ville. Place, ce samedi, à la vague verte dans ces trois entités.

Ecolo figure incontestablement parmi les grands gagnants des élections communales d’octobre 2018. C’est bien simple: les écologistes sont désormais présents dans 14 des 19 majorités de la capitale. Ceux-ci font notamment leur entrée dans les collèges de Saint-Gilles, Uccle et Bruxelles-Ville. Dans ces trois entités, leur statut de second parti les rend à la fois quasi incontournables, mais ne s’avère en même temps pas suffisant pour revendiquer l’écharpe mayorale.

À Bruxelles, Philippe Close (PS) remporte le scrutin (28,38 %; 17 sièges), devant la liste Ecolo-Groen de Benoit Hellings (16,81%;9). Les deux partis forment une majorité, renforcée par Défi quelques jours plus tard. À Saint-Gilles, le socialiste Charles Picqué (17 sièges; -2) perd sa majorité absolue et noue un accord avec la liste Ecolo-Groen (11, +3) de Catherine Morenville. Enfin, à Uccle, le MR de Boris Dilliès passe à 21 à 16 sièges et n’a donc plus toutes les cartes en mains pour former une majorité à la tête de la commune. Le libéral s’accorde avec la liste Ecolo-Groen (13) de Thibaud Wyngaard et le CDH (2).

Dans ces trois entités, BX1 a demandé au chef de file Ecolo de lister les projets les plus concrets qu’ils ont lancé pour l’instant. Et plus globalement quelle est la plus-value apportée par leur formation qui les rend particulièrement fiers. L’exercice n’est pas aisé, car les nouvelles équipe se trouvent, depuis à peine un an, aux manettes. Or, en politique locale, il faut souvent attendre plusieurs années pour pouvoir juger le travail d’une majorité. Reste qu’il est toutefois possible de se faire une première idée du dynamisme d’une majorité et de la direction qui est prise.

Bruxelles-Ville:

Quatre échevins Ecolo-Groen siègent au collège bruxellois: Benoît Hellings (Climat et les Sports), Bart Dhondt (Mobilité et Travaux publics), Zoubida Jellab (Espaces verts et Propreté) et Arnaud Pinxteren (Petite enfance, Participation citoyenne et Rénovation urbaine). Selon Benoît Hellings, l’arrivée au pouvoir d’Ecolo-Groen a notamment permis quatre améliorations: la fin des cumuls avec le mandat de député au sein du collège, un changement radical sur le plan de la méthode de travail (participation citoyenne et excellente collaboration avec la Région, ce qui n’a pas toujours été le cas auparavant), et enfin une politique globale verdurisée et axée sur la transition écologique.

Le travail de Arnaud Pinxteren sur le projet de tram vers Neder-over-Heembeek symbolise très bien notre manière de travailler. Il y a à la fois l’important volet participation. On consulte véritablement la population et il y a par exemple des citoyens qui ont été tirés au sort pour faire partie du comité qui a dessiné le trajet du tram. Il y aussi le fait que la Ville travaille main dans la main avec la Région sur un projet régional et porté par la ministre Groen de la Mobilité Elke Van den Brandt”, explique l’échevin. À noter aussi les différents conseils de quartier citoyens qui doivent bientôt voir le jour, chacun doté d’un million d’euros de budget.

Benoît Hellings insiste également sur les récentes avancées en termes de développement et alimentation durable: “Arnaud Pinxteren a lancé le concept d’éco-crèches. Celle-ci possèdent un maximum d’éléments issus de la filière durable comme des biberons en verre, des couches écologiques, du lait en poudre biologique, ou encore des bâtiments avec une importante isolation énergétique. Il en a ouvert deux pour l’instant, mais l’idée est évidemment d’étendre le concept au plus possible de crèches gérées par la Ville”. Il explique aussi présider les Cuisines Bruxelloises, l’organe public qui fournit 4.500.000 repas par an aux différents hôpitaux, centres et écoles de la Ville et de communes partenaires: “L’idée est d’intégrer le plus possible de bio et de local dans les menus. Tous les fruits distribués dans les écoles sont déjà bio”.

Autres ambitions, mais sur le plan sportif: “On est en train de remplacer les billes en caoutchouc de tous nos grands terrains de foot synthétiques par du liège. On compte rajouter le plus possible de fontaines à eau dans nos infrastructures pour que les jeunes soient moins tentés de boire des boissons sucrées”. Plus globalement, Ecolo-Groen assure imposer de manière systématique un chapitre “durable” dans tout marché public lancé par la centrale d’achats. “Les uniformes du personnel seront durables. Même le papier toilette sera verdurisé dans la mesure du possible, tout comme le parc automobile”, explique leur chef de file.

Last but not least: le plan de lutte contre les mégots porté par Zoubida Jellab, la lutte contre les fuites et donc le gaspillage d’eau (notamment pour Manneken Pis), le dossier du Stade Roi Baudouin, où la nouvelle équipe repart d’une page blanche, et le plan Mobilité de Bart Dhondt. L’objectif est ainsi d’élargir les zones 30 à tout le territoire communal à l’exception de quelques axes importants. Pour y parvenir, l’édile néerlandophone travaille sur la prévention, la répression, l’infrastructure et les plans de mobilité. La commune va ainsi installer 20 radars préventifs sur l’ensemble du territoire au printemps prochain.

Uccle:

Devenu premier échevin, Thibaud Wyngaard gère entre autres la mobilité et les travaux publics. Trois personnes complètent l’équipe écologiste du collège: François Lambert (Action sociale, Seniors, Nouvelles technologies et Emploi), Perrine Ledan (Culture, Relations internationales et Participation citoyenne) et Maëlle De Brouwer (Environnement, Espaces Verts, Climat, Energie, Egalité des chances).

Pour Thibaud Wyngaard, l’arrivée au pouvoir d’Ecolo a notamment conduit à la création de nouvelles pistes cyclables, au placement de 150 arceaux vélos et d’une dizaine de boxes supplémentaires. Outre le vote d’une motion déclarant Uccle commune hospitalière et le lancement d’une pépinière citoyenne (un projet participatif favorisant l’arrivée d’arbres fruitiers dans l’espace publique), qui s’inscrit dans la stratégie régionale Good Food, l’échevin évoque de nombreux projets pour davantage verduriser les rues de l’entité.

“On travaille aussi sur un cahier des charges davantage axé sur le durable et le bio pour les repas dans les crèches communales. On fera ensuite pareil pour les écoles communales. On a aussi créé une prime pour encourager l’adoption d’un animal en refuge, une autre pour la création d’une mare et on a étendu la prime vélo aux vélos cargo”, explique Thibaud Wyngaard. Plus globalement, un mot-clé revient souvent du côté de la section locale uccloise: la participation. “Pour tout nouveau projet lancé dans la commune, on consulte les habitants. On a notamment lancé un conseil consultatif des seniors et tout le collège est allé dans chaque quartier à la rencontre des habitants”.

Sur le plan culturel, Ecolo a obtenu l’engagement d’un directeur artistique au Centre Culturel et la suppression des jetons de présence des administrateurs. Pour rappel, en 2015, les Verts avaient critiqué les 1.000 € d’indemnité mensuelle de la présidente de l’époque, Jacqueline Rousseaux (MR). Sur le plan de la mobilité, une des priorités de la législature, Thibaud Wyngaard évoque entre autres une extension importante des rues en zone 30.

Saint-Gilles:

Ecolo a obtenu trois postes d’échevin, contre six pour son partenaire socialiste. Catherine Morenville, Mohssin El Ghabri et Jos Raymenants sont entrés en début de législature. La première est devenue première échevine en charge notamment de la mobilité, du stationnement et des espaces verts, le second a reçu entre autres la culture et le bien-être animal et le troisième les affaires néerlandophones, ou encore et les propriétés communales. Mohssin El Ghabri a finalement démissionné en septembre dernier pour devenir directeur politique d’Ecolo. Francesco Iammarino l’a remplacé poste pour poste.

Catherine Morenville se réjouit du travail effectué par le trio Ecolo jusqu’à maintenant. La première échevine rappelle toutefois que son équipe compte trois échevins contre six pour le PS: “Il y a eu indéniablement une vague verte, mais il faut quand même rappeler que nous ne sommes que trois échevins au collège. Nous sommes dans une commune où le PS est au pouvoir depuis plus de 30 ans et connaît déjà très bien la façon de fonctionner de l’administration. Pour nous, la pratique du pouvoir reste quelque chose de nouveau et on ne se rendait par exemple pas compte de la lenteur des procédures. Elles prennent un temps incroyable!”

Pour Ecolo-Groen, son premier apport s’avère sa méthode de travail. Ici, le mot-clé est transversalité.“On essaie de créer des ponts entre les compétences. Ce n’est pas toujours facile, car chaque échevin n’aime pas souvent qu’on vienne sur leur pré carré. C’est la philosophie du plan Climat communal. Il y a une préoccupation de verdurisation, de transition écologique et de mobilité douce dans toutes les politiques menées dans la commune”, explique Catherine Morenville. “Un point fort, c’est qu’Ecolo est dans 14 majorités à Bruxelles et on a beaucoup de contacts entre nous. On s’appelle et on a des groupes whatsapp thématiques pour se conseiller, discuter de nos difficultés”.

Sur le plan de la mobilité, des projets de rues cyclables et rues apaisées (20km/h) se trouvent dans les cartons. Six ou sept des premières doivent voir le jour, et pareil pour cinq ou six des secondes. Le grand chantier qu’Ecolo souhaite réaliser d’ici la fin de la législature est la piétonnisation de la place place Van Menen. Une étude d’opportunité en cours doit permettre d’y voir plus clair au niveau des différentes options (piétonnisation réduite, élargie à la cour d’honneur devant la maison communale, ou aux trois rues adjacentes). “Si le projet voit le jour, c’est vraiment grâce à Ecolo. Ce n’était pas dans le programme du PS et on a dû se battre pour l’obtenir dans la note de politique générale”, insiste sa cheffe de file.

Le MR bruxellois très critique

Du côté du MR et de Défi, évincés respectivement à la Ville de Bruxelles et Uccle, on se montre très critique vis-à-vis la première année de bilan d’Ecolo. Commençons par la Ville de Bruxelles. Sur le plan de la gouvernance, les libéraux pointent l’absence de parité au sein du collège, y compris au sein des Ecolo. Il est vrai qu’il s’agit pourtant d’un concept cher aux Verts. Le MR pointe aussi un collège très fourni (12 membres), la nomination de l’ex-échevin Mohamed Ouriaghli (PS) à la présidence de l’Hôpital Saint-Pierre malgré son inculpation dans le cadre du dossier GIAL ou encore le mandat d’administrateur indépendant de Philippe Close au RSCA.

La récente désignation du bourgmestre au CA d’Anderlecht peut en effet entraîner d’éventuels risques de conflits d’intérêts. “Philippe Close est-il finalement à Anderlecht ou à la Ville ? Au final, on peut constater de graves marches arrières en termes de gouvernance par rapport au Collège PS-MR”, assure le conseiller communal David Weytsman (MR). Ecolo ne cache pas son embarras par rapport au mandat footballistique de Philippe Close, mais sans toutefois aller jusqu’à lui donner un ultimatum. “C’est une décision de Philippe Close, pas du collège. On lui a dit qu’on trouvait cela problématique”, tranche Benoît Hellings.

Pour le MR, Ecolo aurait également le défaut d’être archidominé par le PS: “La mainmise du parti socialiste sur la Ville est devenue totale. Les échevins PS gèrent désormais 94,5% du budget communal, contre 5% chez Ecolo et un triste 0,5% chez Défi. Ce n’est pas une bonne nouvelle car certaines politiques sont oubliées. Les investissements concernant l’économie, les indépendants et le commerce s’élèvent à peine à 0,29% du budget”. Pour Benoît Hellings, le raisonnement n’est pas honnête: “On verdurise partout et de manière transversale. Donc une partie du budget de chaque échevin est destiné aux politiques vertes dans ses compétences”. 

Last but not least, les libéraux dénonçent une hausse des frais de fonctionnement du collège de 14% en 2 ans, un budget à la dérive et l’absence d’un nouveau plan climat. Benoît Hellings réplique: “Le MR est quand même marrant. Il devrait faire profil bas après sa gestion du dossier du stade. Je suis occupé au quotidien à en gérer les conséquences. Et il sait très bien qu’on va revoir nos ambitions climatiques à la hausse. Mais un tel plan se prépare, ce qui est actuellement le cas”.

“La participation? Un slogan complètement creux”

Échevin sous la précédente législature à Uccle, le conseiller communal d’opposition Emmanuel De Bock tire à boulets rouges sur Ecolo: “Ils vantent leur participation, mais on peut parler plutôt de non-participation. Cela reste un slogan complètement creux”. L’élu amarante cite en exemple la mise en zone rouge du quartier Fort-Jaco: “Ils ont consulté les commerçants qui ont tous voté pour la tarification en zone rouge. Je leur ai demandé pourquoi ne faire aussi une réunion pour avoir l’avis des riverains. Ils nous ont dit ‘Vous savez bien que si on avait aussi demandé leur avis aux habitants, ils ne se seraient jamais mis d’accord’. C’est scandaleux! Ils ont privilégié les commerçants pour légitimer leur décision”.

Emmanuel De Bock dénonce aussi un manque de cohérence sur le dossier des sanctions administratives communales (SAC). L’abaissement à 14 ans de l’âge à partir duquel un jeune peut être sanctionné décidé sous la précédente législature avait à l’époque été critiquée par Ecolo. Le conseiller communal s’étonne qu’Ecolo, désormais aux manettes, ne cherche pas à revenir sur cette décision. “C’était un choix des libéraux et nous, chez Défi, on était plutôt contre. Pour le coup, Ecolo soutient toujours la mesure. Voilà un exemple du changement de discours entre le moment où ils sont dans l’opposition ou la majorité”, indique-t-il.

Enfin, l’élu Défi dénonce ce qu’il considère comme plusieurs problème transparence: l’absence de radiodiffusion du conseil communal (qu’Ecolo a réclamée, il est vrai, à Saint-Josse), l’absence de numérisation des PV du collège, et la disparition de l’opposition dans le comité de direction du centre culturel. “Ils ont viré l’opposition ! C’est incroyable, et encore plus fort de la part d’Ecolo. L’échevine de la Culture m’a dit que c’était dans un souci d’efficacité”, souligne Emmanuel De Bock. Sur les SAC à partir de 14 ans, Thibaud Wyngaard indique que “cela doit encore faire l’objet d’une discussion et que la majorité ne s’est pas encore positionné en la matière”.

Sur la vidéo du conseil communal, l’Ecolo se positionne plus clairement: son parti y est favorable. “On l’a déjà dit. Simplement, il est prévu que le conseil communal se tienne dans les rues du nouveau bâtiment rue de Stalle dans un an. On équipera le moment venu la nouvelle salle”, explique-t-il. “Pour les PV du collège, il y a toujours moyen d’aller plus loin dans la transparence, mais il faut rappeler que la situation n’a pas changé par rapport à la législature précédente (NDLR: Défi faisait partie de la majorité)”. Enfin, par rapport aux critiques sur le centre culturel, l’Ecolo n’exclut pas dans l’absolu que l’opposition puisse un jour réintégrer son comité de direction.

Une législature pleine de défis

Il est impossible de faire un réel bilan après une seule année au pouvoir. C’est trop tôt. Rappelons aussi que Ecolo ne dirige pas seul dans ces trois communes et n’y dispose pas du mayorat. Plusieurs tendances générales se dégagent déjà toutefois: une méthode de gouvernance plus transversale et un intérêt prononcé pour les matières en lien avec leur core business, la mobilité, les espaces verts et la transition climatique. “Ils s’aventurent peu dans les matières régaliennes ou socio-économiques. Ils sont très axés sur leurs compétences historiques”, fait observer un socialiste en majorité avec eux.

Il poursuit: “Disons qu’ils ont renforcé des accents qui se trouvaient déjà quand un peu dans l’ère du temps et qui avaient déjà été intégrés. Et ils ont peut-être accentué certaines inflexions dans ces compétences-là”. De nombreux membres d’Ecolo répondront qu’il s’agit d’un beau compliment, et qu’ils sont effectivement les seuls à faire de la transition écologique leur grande priorité. Il faudra attendre cinq ans pour faire un bilan définitif.

Julien Thomas – Photo: BX1